2011, ça sera les radars "tronçon", faudra aussi penser à vérifier la moyenne





Source = http://www.lavoixdesallobroges.org/soci ... les-radarsAlors qu’un radar de Saint-Julien-en-Genevois vient d’être sacré champion de France du flash, le journaliste Jean-Luc Nobleaux nous livre le pourquoi de cette activité frénétique et les dessous du plan radar.
La nouvelle est tombée le mois dernier : le champion de France des radars est savoyard. Avec une moyenne de 462 flash/jours, l’appareil situé sur l’A41 à Saint-Julien-en-Genevois a en effet pris la première place du palmarès des meilleurs flasheurs établi par le magazine Auto Plus. Situé dans une ère de ralentissement à proximité de la douane de Bardonnex, précédant de quelques mètres une zone limitée à 30 km, il aligne tous les usagers de l’autoroute Annecy-Genève dépassant le 50. Un bon petit soldat contribuant donc mieux que nul autre aux 6,7 millions de PV engendrés l’année dernière par les 1 996 radars fixes présents sur les routes françaises. Une espèce d'entreprise de racket selon le journaliste Jean-Luc Nobleaux, auteur de Radars, le grand mensonge, un livre dans lequel il dévoile l’envers du décor d’une politique qui ne se soucierait en fait guère de sécurité routière. Auréolé de notre titre de champion, on est allé lui demander une petite explication.
Jean-Luc Nobleaux, comment expliquer que ce radar de Saint-Julien soit aussi performant ?
Je ne connais pas le lieu où il se trouve, mais un radar qui veut prétendre au « top ten » des meilleurs flasheurs doit répondre à des critères qui sont : voie hyper circulée, bon éclairage des lieux (pour la photo), limite de vitesse confuse et/ou inadaptée quand la route est claire, et… un accès difficile ! En effet, 80% des radars sont vandalisés, ce qui plombe leur rentabilité. Maintenant, si vous voulez parler de vraie « sécurité routière », c’est étonnant de placer un radar ici. On est dans la surprévention. Une arrivée à un péage d’autoroute ou à une douane, c’est déjà Las Vegas : panneaux préventifs, signalisation réfléchissante, messages et lumières clignotants…
Comment s’effectue le choix des emplacements ?
Nos technocrates choisissent le plus souvent des zones « à flashes » : descente, ralentissement brutal, zones passant de 130 à 110, ou 110 à 90 km/h… beaucoup plus rarement des endroits vraiment dangereux. C’est facile à vérifier, il suffit de superposer une carte de France des « points noirs » du réseau routier avec la même carte indiquant l’emplacement des radars : quasi aucune concordance. Les flashes ne punissent pas ceux qui roulent mal, ils punissent ceux qui roulent beaucoup. Bref, en France l’objectif est la rentabilité. Comparons par exemple les systèmes radars français et anglais : chez nous, deux fois moins de radars, pour un pactole en PV dix fois plus élevé.
Vous dites que le nombre de contraventions est prévu à l’avance. Le radar de Saint Julien aurait-il été programmé pour flasher autant ?
Je ne peux vous répondre que globalement. Quelquefois, les journalistes – grâce à des complices-policiers hostiles à la politique du chiffre - réussissent à mettre la main sur une circulaire confidentielle. Ça nous est arrivé sous Michèle Alliot-Marie puis Dominique de Villepin à l’Intérieur. On sait depuis que les « forces de l’ordre » ont des objectifs chiffrés à atteindre en début d’année (la fameuse politique du chiffre, les quotas de PV…), peu importe la qualité de conduite des automobilistes français.
Pourquoi parlez-vous de grand mensonge et de système mafieux ?
Le plan « radars » a été mis en place officiellement pour « lutter contre l’insécurité routière » par Nicolas Sarkozy et une équipe de très proches. Mon enquête montre qu’en réalité, ce plan comporte trois objectifs cachés : 1/Communication et enfumage. Le gouvernement donne une illusion d’action. 2/Bizness. Le pactole ne revient pas à la « route », mais profite à un petit clan politico-industriel. 3/Contrôle de la société. Ce maillage électronique du territoire doit, à terme, devenir le premier flic de France.
A qui profitent en fait les radars ? Y aurait-il des collusions d’intérêts ?
Collusion d’intérêts est un euphémisme. L’argent reste en haut au bénéfice d’un petit groupe politico-industriel. Une grosse partie du pactole revient aux sociétés privées qui conçoivent, vendent et entretiennent le système : la Sagem, Atos, la Spie… Ces entreprises – qui réalisent des marges indécentes - sont très proches du pouvoir et furent choisies à la suite d’appels d’offre calibrés sur mesure. Une autre partie va aux collectivités locales. Le reste part dans une cagnotte gérée par la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy : l’AFITF (Agence de financement des Infrastructures ferroviaires et fluviales). Cette caisse grise accordant de juteux marchés publics est une sorte d’EPAD des transports. Il faut bien comprendre ici que l’automobile individuelle - et ses nombreux bizness induits pour l’oligarchie : sécurité routière, péages d’autoroutes, contrôles techniques, taxes écologiques, carburants… - est devenue au fil des ans un véritable laboratoire de la crapulerie. Elle concentre tout ce qu’il y a plus moisi chez nos élites dirigeantes : propagande infantilisante dans un but de domination par l’intégration du flicage dans notre quotidien, opportunisme, matraquage fiscal, corruption, financement occulte des partis politiques… C’est d’ailleurs passionnant à observer pour un journaliste.
Mais tout de même, les radars n’ont-ils pas permis de limiter la vitesse et ainsi accroître la sécurité routière en limitant le nombre d’accidents ?
Là, vous me taquinez ! D’abord sur la « vitesse », qui n’est pas la première cause de mortalité mais la première cause de rentabilité. En France, l’immense majorité des accidents est due à la somnolence, l’inattention et/ou l’alcool. Ensuite, sur le nombre d’accidents. Le système « radars » est venu se greffer (en 2004) sur le dos d’une courbe des accidents déjà dégringolante. La mortalité routière baisse naturellement depuis 30 ans, en France et en Europe. Et ce pour des raisons faciles à identifier : progrès des véhicules, des infrastructures, des comportements… Les chiffres sont clairs : l’apparition des cabinettes sarkozystes ne coïncide pas avec un progrès en matière de sécurité routière, mais plutôt avec une stagnation des chiffres. Bref, les statistiques officielles sont incapables de faire la publicité de ce système ! Pire, ce plan est pervers. Cette chasse aux PV imposée à la police fait le bonheur des vrais délinquants de la route, lesquels savent désormais où sont les traquenards policiers : tous, sur les axes très circulés.
Pourquoi estimez-vous que des instituts comme le Conseil national de la sécurité routière naviguent entre incompétence et illégitimité ?
Le CNSR était chargé de phosphorer et rendre des rapports. En réalité ce « conseil » était là pour la galerie et, plus récemment, servir de caution à la multiplication de ces machines à sous que sont les radars automatiques. A tel point que des associations d’usagers de la route en sont parti en claquant la porte. Cette assemblée – constituée de fonctionnaires recasés et de faux-experts - n’est d’ailleurs même plus convoquée. De toute façon, lorsqu’un rapport faisait tousser en haut lieu, il était supprimé.
Vous dîtes que le prétendu coût de la sécurité routière pour l’Etat serait une tarte à la crème. Les accidents de la route ne sont-ils pas une charge pour la société en raison des dépenses qu’ils engendrent ?
C’est l’éternel argument de Chantal Perrichon, représentante d’associations de victimes de la route. Les accidents routiers coûteraient je ne sais combien de milliards au pays et le produit des contredanses n’est que broutilles dans ce puits sans fond. Mais notre gendarmette des ondes oublie toujours de préciser d’où viennent ces chiffres. Peut-être même ne le sait-elle pas. Moi, je suis allé voir. Ce calcul du « coût de la vie humaine » s’appuie sur des « études » dédiées, très orientées, carrément fantaisistes. Elles servirent à justifier les premières actions publiques dites sanitaires dans les années 1960. Les accidents de la route trouant les caisses publiques est une tarte à la crème d’autant plus savoureuse que les chantiers prioritaires pour « sauver des dizaines de milliers de vies » ne manquent pas chez nous : tabac, alcool, accidents domestiques, infections nosocomiales…
Quelle est la rentabilité des radars présents sur les bords de nos routes ?
Cette « action publique » n’est très rentable que pour quelques acteurs privés. Le rapport Mariton de 2007 montre que les radars vont bientôt coûter plus cher qu’ils ne rapportent à l’Etat français. C'est que le chiffre d'affaires des amendes reste stable tandis que les frais de fonctionnement flambent. Les usagers de la route se font moins flasher alors qu’il y a de plus en plus de radars à installer et gérer. Le budget entretien grossit, celui nécessaire aux réparations des dégradations explose, et le Centre national des traitements de Rennes commence à coûter très cher. Bref, croire que le système « radars » ramène des sous dans les caisses de l’Etat est une idée fausse. Mais peu importe, il est conçu pour que le gouvernement puisse se payer toujours plus de radars avec l’argent généré par les radars… tout en escamotant une partie du pactole au passage. Qu'un système impopulaire et onéreux comme celui-ci soit délibérément maintenu et renforcé, cela confirme qu’il y a derrière des objectifs cachés au public.
D’après vous, l’installation des radars s’inscrirait dans une logique de surveillance généralisée. En quoi ces appareils pourraient contribuer à nous ficher ?
Nous transitons doucement vers la fameuse société Big Brother, en fait une super puissance publique. Cette stratégie est discrète mais pas secrète. Elle fut d’ailleurs présentée aux députés au moment de voter les crédits pour fabriquer les radars. Le but de cette cyber traque est d’arriver à une surveillance globale des usagers de la route. Les technologies nouvelles (biométrie, traçage numérique, logiciels de lecture instantanée de milliers de plaques d’immatriculation, centralisation et croisements de giga-fichiers…) alliées à la multiplication des miradors routiers permettront bientôt à l’administration, d’un simple clic de souris, le fichage et le traçage, donc le contrôle serré de la population française, et bientôt européenne. Pour info, l’équipe d’ingénieurs et de hauts fonctionnaires ayant mis en place le système « radars routiers » travaille aujourd’hui à l’A.N.T.S (Agence nationale des titres sécurisés) sur nos papiers d’identité numériques, la reconnaissance biométriques, et le fameux « fichier des gens honnêtes »…
En même temps, vous dites aussi qu’on peut se retrouver accusé à tort. Comment est-ce possible et comment se défendre face à cela ?
Non seulement ce plan est scélérat, mais quand ces mouchards électroniques se mettent à délirer (par exemple avec les premiers radars de feux), les possibilités de recours sont hyper contraignantes. La plupart des gens préfèrent payer l’amende en promo, nourrissant ainsi le système. La seule méthode de défense est globale. Techniquement, il serait facile de bloquer le système. Au centre de Rennes, quelques dizaines de fonctionnaires croulent sous les millions de contredanses à traiter informatiquement, ce qui explique les abus dont vous parlez. Or, la rentabilité des radars repose sur le concept de l’automatisation quasi-totale. C’est aussi une faille. Si une majorité de contrevenants décidait demain de contester ses PV (à la suite d’un appel « à la Cantona » par exemple) en submergeant les fonctionnaires du CNT de lettres de protestation et/ou demande de preuves par les photos, le système coulerait. Mais cela n’arrivera jamais, l’automobiliste français n’est pas une entité, c’est tout le monde (et personne), il est donc incapable de se mobiliser. Ce qui explique en retour cette incroyable rapacité de nos pouvoirs publics.
Propos recueillis par Antoine Foray
Radars, le grand mensonge, de Jean-Luc Nobleaux, Tatamis